C. E. Harrison: France’s postrevolutionary generation

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Titel
France’s postrevolutionary generation in search of a modern faith.


Autor(en)
Harrison, Carol E.
Erschienen
Ithaca 2014: Cornell University Press
Anzahl Seiten
344 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Vincent Petit, Strasbourg

Dans l’abondante bibliographie consacrée à l’histoire religieuse et politique de la France du XIXe siècle, l’ouvrage de Carol E. Harrison, en plus d’être matériellement irréprochable comme le sont ceux des maisons d’éditions universitaires américaines, tranche par son originalité et gender oblige, par sa féminité et sa sensibilité. L’auteure s’attache en effet à saisir, au travers d’une série de portraits intimes, ce que fut le catholicisme romantique, plus d’ailleurs que le romantisme catholique, moins en tant que courant doctrinal que ligne de conduite individuelle, conjugale ou familiale. L’originalité du livre est de décrire des moments générationnels propres à ces catholiques – les chapitres 1 et 2 s’attardent sur l’enfance, les 3 et 4 sur le pas¬sage à l’âge adulte, les 5 et 6 sur les obligations sociales et politiques liées à leurs différents engagements – tout en les reliant à l’évolution générale de la catholicité et de la société française: la pensée mennaisienne, la question romaine, la montée de l’intransigeantisme, l’établissement d’une république anticléricale.

C’est donc une sensibilité religieuse que dégage l’auteur en analysant la première communion de Léopoldine Hugo, mais aussi celle d’Adèle Michelet, et le bestseller de Victorine Monniot, Le journal de Marguerite; suivent ensuite l’éducation de Maurice de Guérin au collège Stanislas, le dilemme de l’obéissance chez Montalembert après la condamnation pontificale, la sainte famille de Pauline Craven, née de la Ferronnays, exposée dans son Récit d’une soeur, et enfin le couple que forment Frédéric et Amélie Ozanam. D’où aussi l’intérêt des illustrations qui donnent à voir cette sensibilité par des portraits. Ces catholiques romantiques sont partagés entre leurs passions personnelles – amoureuses, politiques, intellectuelles, esthétiques – qu’ils épanchent volontiers et leur adhésion à la foi catholique, à l’institution ecclésiastique et aux prolongements temporels qu’elles imposent toutes deux. S’ils se livrent à l’introspection (avec l’exercice quasiobligé du journal intime, qui peut même donner matière à publication, comme «recherche du salut de son âme» p. 168, et les correspondances familiales), ils sont animés de convictions fortes qui les amènent sur le terrain de la philanthropie, de la politique, de la presse, de l’érudition.

Ce qui oblige l’auteure à définir le libéralisme et l’ultramontanisme de Lamennais (112−113) qui les a tous et toutes plus ou moins influencé. Leur goût pour la liberté, qui les amène à soutenir les causes nationales, ne relève pas d’un libéralisme philosophique, ni de l’individualisme sociologique qu’ils réfutent. Au contraire, ils exaltent le couple (Montalembert et Ozanam), la famille (Craven), la communauté fraternelle (Guérin) avec l’attrait latent de la vie monastique, la nation, l’Eglise... tout autant de cellules aptes à régénérer et reconstruire la société postrévolutionnaire, d’où certains rapprochements avec les premiers socialistes. C’est là que naissent des divergences politiques, par exemple au moment de l’élection présidentielle de décembre 1848 ou lors de la disparition des Etats pontificaux (chapitre 6). On comprend dès lors que l’ultramontanisme, conçu comme un moyen d’adopter des éléments de la Révolution sans abandonner l’Eglise (13), est à la fois réactionnaire et libéral, et que si sa facette conservatrice et intransigeante l’emporte au cours des années 1860, elle ne doit pas faire oublier l’autre. En 1863, Montalembert ne renie pas ses idéaux de jeunesse dans son discours de Malines en promouvant «une Église libre dans un État libre». D’autre part, l’ultramontanisme réactionnaire n’a jamais abdiqué son ambition de transformation sociale: Albert de Mun, le fondateur de l’oeuvre des cercles catholiques d’ouvriers, est le neveu de Pauline Craven (296). Adopter ce catholicisme romantique a été un moyen de refuser la position «untenable» que le libéralisme a faite aux femmes (294): autrement dit c’est un contresens d’interpréter la féminisation du catholicisme français, comme on le fait généralement, comme un échec, ou une réussite par défaut, à l’image de la piété bigote de l’impératrice Eugénie, rendue coupable de tous les échecs du Second Empire par l’historiographie républicaine (285−292).

Autre trait moderne: ces romantiques militent en faveur d’une renaissance catholique, liée à une nouvelle théologie du salut (230) et à de nouveaux modèles de sanctification, avec la reconnaissance du rôle spirituel et social des femmes et des laïcs. Pauline Craven s’inscrit à la tête d’un réseau cosmopolite de femmes de lettres en lien avec leurs lectrices (184). Frédéric Ozanam dirige la camaraderie intellectuelle au service des pauvres en fon-dant la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

Si, vu son sujet, la mort jeune et tragique est omniprésente dans ce livre (avec Léopoldine Hugo, avec Maurice de Guérin mort à l’âge de 29 ans, avec Ozanam mort à 40 ans, avec le sacrifice des zouaves pontificaux...), sa lecture procure paradoxalement une formidable fraîcheur.

Zitierweise:
Vincent Petit: Rezension zu: Carol E. Harrison, Romantic catholics. France’s postrevolutionary generation in search of a modern faith, Ithaca, Cornell University Press, 2014. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions und Kulturgeschichte, Vol. 109, 2015, S. 407-408.

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